Orgasmic de Gérald Ruault, publié aux éditions Tabou
Gerald fut durant 3 jours l´un de mes compagnons de table au Salon du livre. J’ai non seulement passé un très bon moment en sa compagnie, mais aussi découvert une superbe plume.
Son roman Orgasmic est un petit bijou, dont il parle avec passion et intelligence. J’ai donc tout naturellement demandé à mon félin préféré de l’interviewer.
Chaki : Bonjour Gerald ! D’habitude, je demande aux dames si je peux monter sur leurs genoux… Mais comme il y a un brin de soleil, je te propose d’aller ronronner en terrasse !
Alors, dis-moi : Quel est ton parcours ? Comment t’es venue l’envie d’écrire et d’écrire sur ce sujet en particulier ?
Gerald : Mon parcours professionnel ne me prédestinait pas à travailler dans le monde du livre. En fait, j’ai procédé par élimination dans mon cursus et je me suis d’abord assuré de tout ce que je ne souhaitais pas faire. J’ai donc entrepris des études de commerce, ai même travaillé dans une banque avant de comprendre que les chiffres ne me plaisaient pas autant que les lettres. Alors qu’en réalité, il faut savoir jongler avec les deux (un peu comme toi, Chat devant l’Eternel, tu jongles avec des pelotes de laine).
Chaki : Tout à fait.
Gérald : Concernant l’écriture, j’ai l’impression d’avoir écrit depuis toujours. D’avoir toujours été « fait pour ça ». Cela sonne comme un lieu commun mais si l’on s’y penche de plus près, je suis persuadé que chaque être possède si ce n’est un don, au moins une particularité. Un talent naturel disons. Et certains mettront parfois une vie à la détecter quand d’autres passeront carrément à côté (et oui, n’obéit pas forcément comme toi à son instinct… animal). Certains disent d’ailleurs « se chercher » tout au long de leur vie. En ce qui me concerne, j’ai eu cette chance de très rapidement « me trouver » au niveau de la passion de l’écriture.
Mon domaine de prédilection était avant tout la poésie. Et aujourd’hui encore, je vois, je lis de la poésie partout : dans l’art, dans l’amour, dans la cuisine. D’ailleurs, la littérature érotique regorge de cette poésie et ce malgré elle par moments. Car l’on a beau vouloir choquer le bourgeois, mettre le doigt là où ça fait mal, amour et poésie demeurent indissociables d’une certaine manière.
Chaki: Ton roman parle d’une femme qui n’a jamais connu l’orgasme. Ma Maîtresse m’a raconté que durant le salon, tu lui avais confié une anecdote qui semble-t-il, revient souvent : les hommes à qui tu parles de l’anorgasmie de ton héroïne te rétorquent souvent : « c’est parce qu’elle ne m’a pas rencontré. » Outre le fait que même en tant que félin, je trouve ça d’une incroyable vantardise, je me demande ce que tu leur réponds ?
Gerald : Ta maîtresse, que j’ai eu la chance de rencontrer au Salon de Paris, t’a effectivement très bien renseignée. Ce qui fait donc de toi plus un chat de « salon » qu’un chat de gouttière !
Chaki : Merci. J’ai une vie harassante, tu n’imagines pas ! Tout est la faute de la Miss.
Gerald : En fait, malgré les apparences, mon roman Orgasmic s’adresse tout autant aux hommes qu’aux femmes mais il est vrai que j’ai beaucoup de mal à présenter le livre à des hommes. Car, effectivement, je considère qu’ils ont souvent cette vilaine tendance à tout ramener à leur petit nombril. Tandis que les femmes adorent philosopher sur le sujet, sujet qu’elles abordent d’une façon plus généraliste. Les hommes, eux, tournent le sujet en dérision et aiment en faire des blagues (salaces) parce qu’ils conservent au fond d’eux une certaine vision performative de l’acte sexuel – la pornographie sonnant à tous les coins de rue. Et si l’on considère en plus que la femme s’est largement émancipée, les hommes finissent inconsciemment par avoir peur de ne plus pouvoir être à la hauteur (ils sont devenus des chats échaudés ?) et ils se retrouvent un peu coincés entre deux époques, deux modèles avec d’un côté l’image du bon macho à la papa et de l’autre l’image de l’homme moderne, qui participe aux tâches quotidiennes, s’investit beaucoup plus dans le couple. Ce sera d’ailleurs le sujet de mon prochain roman (et oui, moi aussi tu vois, je sais retomber sur mes pattes).
Chaki: Joli ! Un parfait félin en devenir.
Gerald : Enfin, cette vantardise que je peux entendre de la part des hommes est une façon pour eux de ne pas regarder la réalité en face (là, on peut dire que le chat se mord vraiment la queue !). Et quand j’entends certaines remarques qu’ils peuvent me faire, je leur réponds qu’ils auraient bien besoin de lire mon livre, d’être un peu plus à l’écoute des femmes et que l’orgasme n’est jamais une question de taille (après tout, mon livre ne fait que 252 pages) ni de cette technique faramineuse qu’ils savent déployer en amour (oui, je les caresse un peu dans le sens du poil).
Chaki : Je comprends. C’est souvent indispensable avec les humains (pas uniquement les hommes, d’ailleurs) pourquoi parler d’anorgasmie ? Un homme qui choisit d’évoquer ce sujet là tout particulièrement, ça m’intéresse !
Gerald : J’ai choisi ce sujet pour deux raisons :
D’abord, je considère que ce clivage entre hommes et femmes sur la vision que l’on peut avoir de la sexualité, n’a plus lieu d’être. Dire que l’homme a une bite à la place du cerveau par exemple, est très clivant pour l’homme moderne que je représente. En fait, je voulais démontrer qu’un homme peut être très à l’écoute des femmes. Et les comprendre. Et comprendre leur combat au quotidien pour être considérées à l’égal des hommes. Pareillement, j’ai souvent entendu autour de moi qu’un homme ne devait pas pleurer, qu’il devait cultiver une certaine part de bestialité, etc. Avec ce roman, j’avais envie de prendre le contre-pieds de toutes ces idées reçues, de ces clichés. Je voulais montrer la part de féminité que tout homme possède au fond de lui (à des degrés divers, j’entends). Me glisser dans la peau d’une femme aussi était une façon exprimer combien je les aime, combien j’aime leur délicatesse, leur ouverture d’esprit, combien je voue un culte à leur corps (j’arrêterai là car, tu vois, tel un gros matou, j’en ai le poil tout hérissé !).
La seconde raison qui m’a poussé à choisir ce sujet est de constater à quel point nous sommes empêtrés dans la société de consommation. L’acte gratuit n’existe plus. On veut tout vendre, tout acheter. Le sexe n’échappe pas à la règle. On a désacralisé l’acte d’amour. Lorsque j’entends les jeunes générations parler d’amour, ils disent pouvoir commander du sexe sur internet (ce qui est la stricte vérité) comme on commande un plateau de sushis ou une pizza. Et directement livré à domicile, prêt à consommer, même pas besoin de réchauffer. En fait, on veut l’immédiateté dans nos rapports. On exige tout et sur le champ et on a l’obsession du résultat avant même d’avoir couché l’opération sur le papier. Ces nouveaux comportements amoureux créent forcément de nouveaux dysfonctionnements sexuels ou bien en ravivent des anciens. Aujourd’hui, ne pas pouvoir jouir dans une société où nous jouissons de tout en permanence est un comportement très intriguant, cruel mais très intéressant. Lisa passe dès lors pour une extra-terrestre aux yeux de certains (c’est ce que je constate en dédicace). Alors que son anorgasmie est loin d’être un cas isolé. Environ 10 % des femmes en France en souffrent. Et dans mon livre, Lisa va rencontrer un « peintre charmant » qui souffre lui aussi de certains problèmes « de pinceau ». Et là, le problème d’éjaculation prématurée touche par exemple 40 % des hommes de moins de quarante ans en France. Ce qui m’a amené à cette question à laquelle je cherche à répondre dans Orgasmic : les hommes et les femmes savent-ils encore s’aimer ?
Chaki : Une belle thématique, très actuelle. Et un roman fort bien que je recommande. Pour finir, peux-tu nous en dire plus sur tes projets littéraires ? As-tu un blog sur lequel tu en parles ? Si oui n’hésite pas à nous indiquer l’adresse.
Gerald : Merci de poser la question. Je ronronne d’avance à l’idée de vous présenter mon prochain livre dont je ne peux encore rien vous dire. Si ce n’est que j’explore une fois de plus la thématique des nouveaux comportements sexuels, m’intéressant cette fois aux hommes d’un peu plus près (pour les chats, il faudra encore attendre). Il y sera question de peinture, mélangée à beaucoup d’amour… Je suis sur le point d’ailleurs d’achever ce tableau qui est directement lié à Orgasmic. Si vous voulez me suivre sur internet, il y a une page Auteur sur Facebook mais également un site à cette adresse : www.geraldruault.com. Pour finir, je vous invite à découvrir Lisa, un personnage drôle, tendre, authentique, en vous plongeant dans Orgasmic.
Et merci encore à Miss Kat dont cette interview, je l’espère, mettra tout le monde de très bon poil. Merci pour sa curiosité, sa félinité et sa générosité. Elle est, en partie, l’une des raisons pour lesquelles j’aime écrire sur le sujet des femmes.
Miss Kat : Ce fut un réel plaisir. Je dois à Gerald de préciser qu’il m’a remis ses réponses il y a presque un mois. Pour diverses raisons, je n’ai pas pu le mettre en ligne avant ce soir. Toutes mes excuses pour ce délai.
Néanmoins, je profite de cet article pour relayer une info qu’il a postée ce matin sur Facebook : Si vous êtes du côté de Cogolin, vous pourrez rencontrer Gerald en dédicace au Leclerc à partir de 10 heures. Je promets une très belle rencontre aux chanceux qui y seront.
Gérald Ruault est né le 31 août 1975 à Saint- Tropez. Il a déjà écrit deux romans (Une Terre de Trop, en 2006 et Chambre 21, en 2011, aux éditions Bénévent) et un recueil de poèmes et chansons (Électron Libre, Lulu.com 2012). Aux côtés de Bernard Weber, Richard Bohringer et Nicolas Rey, il a collaboré aux Nocturnes littéraires dans le Var. Co- fondateur de l’association “À l’Emporte-Phrases”, il multiplie les concerts littéraires dont il se sert pour promouvoir une écriture libre, sensible et décomplexée. Il réside à Cogolin, dans le Var.
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